dessin réalisé d'après modèle vivant


étude calquée sur le premier dessin


peinture réalisée d'après l'étude

démarche

Mes peintures de nu sont réalisées à partir de dessins que je fais d'après modèle vivant.

Je pars donc d'un dessin avec quelques ombres et toutes les couleurs sont inventées. Cette façon de faire qui correspondait d'abord à une contrainte (l'impossibilité d'avoir un modèle qui poserait pendant des jours) est vite apparue comme un espace de liberté et d'expérimentation dans la couleur, les ambiances lumineuses et la composition.

Libéré de la tentation de la ressemblance, il est plus aisé de composer avec les couleurs, d'improviser et tâtonner sans soucis de créer un décor crédible.

J'aime improviser une composition autour d'un nu peint sous un éclairage choisi. Tout est possible tant que le fond apporte une esthétique sans étouffer le sujet, sert le propos et reste secondaire.

Dans cette démarche, le dessin a une importance fondamentale. Il doit être solide, équilibré en ombres et lumières, et suffisamment précis pour servir de modèle pour la peinture.

Enfin, il est beaucoup plus aisé de prendre des décisions en dessin qu'en peinture, aussi m'arrive-t-il de refaire un dessin réalisé d'après modèle vivant afin de lever une indétermination sur un éclairage, renforcer une expression ou corriger quelque erreur anatomique.

Je peins par ailleurs régulièrement d'après modèle vivant, soit des portraits soit des nus sur des formats plus petits. Cela nourrit la perception du rendu de la peau.

 

Matériel

SUPPORT
panneau de fibres de bois 6mm, enduit au gesso et coloré
 
PINCEAUX
- des pinceaux ronds en soie de porc pour les chairs. Trois pinceaux, un par usage (ce qui évite de les nettoyer trop souvent): tons clairs, moyens et sombres. Souvent j'utilise deux pinceaux pour les clairs: un pour les jaunes et un autre pour les roses.
- des spalters synthétiques larges pour tracer les sombres du fond
- des brosses plates en soie de porc, longues pour des aplats aux contours doux, courtes pour des bandes aux contours nets
 
- un couteau rectangulaire de la longueur d'un doigt pour appliquer beaucoup de matière et un couteau triangulaire à bout arrondi plus petit que le pouce pour appliquer une couleur pure sur des petites zones.
 
 
MEDIUM
- essentiellement de la térébenthine pour le dessin du corps
- de l'essence pour les premières couches sombres du fond
- un mélange d'huile de lin et de térébenthine pour peindre les chairs
- sur la palette, l'ajout ponctuel d'huile cuite (standolie) pour épaissir la matière et favoriser l'accroche
 
PALETTE DE COULEURS
pour les chairs
- blanc mélangé titane - zinc
- jaune japonais foncé
- ocre de chair ou ocre rouge transparent
- rouge carmin et vert émeraude (imitations), donne un beau violet modulable pour griser les chairs
- terre de sienne brûlée
- terre d'ombre naturelle
- brun van dyck
 
autres couleurs pour le fond:
- ocre rouge
- bleu de prusse
- gris de payne
- ocre jaune

dessin

dessin

La peinture suivante, de format moyen (70 x 70cm) a été réalisée à partir du dessin à coté

 Le dessin d'après modèle vivant est généralement fait en une séance de 30 à 50 mn avec une pause au milieu. Parfois le dessin est fait en une seule fois quand la pose est très confortable comme c'est le cas ici.

Je travaille sur format raisin ou A2. J'utilise un crayon de couleur dont le contact sur le papier est moins dur et glissant que le graphite, légèrement cireux sans être collant, et assez friable pour marquer sans pression. Cela permet des gestes doux, des courbes et des lignes serpentines définissant mieux les modulations de volume que des hachures parallèles. L'expression sinueuse est aussi plus sensuelle, ce qui convient bien au sujet.

Je complète parfois le premier tracé de couleur claire par un autre de couleur plus foncée pour accentuer les parties très sombres et les contours (exemple du dessin précédent en bleu ciel et outremer).

Ce dessin étant assez précis et les ombres bien définies, il va servir de base à un tableau en peinture.

Peinture étape par étape

Le panneau de bois est enduit à la grosse spatule de deux couches de gesso et poncé. Puis j'étale à la spatule de l'ocre rouge dilué à l'essence, ce qui laisse transparaître les irrégularités du support et donne un effet brut, marbré.

La valeur moyenne du fond, moins claire que les chairs éclairées et moins sombre que les ombres servira de repère de valeur, évitant surtout de peindre trop clair (toute couleur parait sombre sur fond blanc).

Le dessin est reproduit au brun Van Dick très dilué pour un trait fluide, les ombres en terre d'ombre naturelle.

 

Je pose les premières touches de couleur, quelques rougeurs aux articulations, essayant une couleur ou l'autre, tâtonnant un peu, sachant qu'il ne s'agit que d'une sous-couche qui sera épaissie, éclaircie ou foncée, fondue.

Afin de ne pas polluer les couleurs à venir en cas de mauvais choix, j'utilise des couleurs transparentes, peu opaques: oxyde de fer transparent, terre de sienne brulée, jaune japonais, carmin, vert émeraude, et surtout pas de blanc de titane, beaucoup trop couvrant et crayeux mais un blanc de titane / zinc.

 

 

M'appuyant sur les premières touches de couleurs, j'étale généreusement au couteau des couches épaisses de diverses couleurs chairs en laissant transparaitre de la couleur pure mal mélangée par endroit, ce qui pourra faire un effet de reflet intéressant.

Je ne me préoccupe pas encore de fondre et modeler à cette étape mais davantage d'avoir une vision d'ensemble. Je recule un peu et floute mon regard: vu de loin, cela doit ressembler à des couleurs de chair sous un éclairage chaud. Je n'ai pas peur de perdre mon dessin sous la matière puisque j'ai mon dessin de référence sur papier à coté.

Je complète les clairs, colore les ombres à la terre d'ombre naturelle ou à la terre de Sienne brûlée, commence à fondre au pinceau les transitions puis j'ébauche une composition en dessinant les lignes de force du fond.

Il s'agit d'équilibrer l'ensemble, de rompre la monotonie de l'importante surface vide en bas du tableau et d'introduire quelques courbes ou diagonales pour tempérer la silhouette anguleuse du corps.

Il s'agit aussi de monter en contraste, de poser assez tôt quelques sombres sur un fond moyen clair avant de retravailler les valeurs et couleurs de la peau.

Les lignes de composition du fond étant posées, j'étale au couteau des couleurs de valeur sombre mais formant un contraste de teinte entre le haut et le bas pour éviter la monotonie d'une composition ou un sujet clair et presque central se détacherait trop nettement d'un fond uniforme sombre.

Les tons clairs de chair étant chauds, je cherche mes couleurs de fond dans des tons chauds (ocre rouge, brun) ou dans les ombres plus froides de la peau (ombre naturelle) afin d'avoir un éclairage chaud cohérent.

 

Après quelques tâtonnements sur le fond, je peins un miroir en haut pour équilibrer avec un élément de contraste puis je reviens à la peinture de la chair et monte en contraste, renforce les ombres, fonds les clairs et éclaircis fortement le ventre sous l'ombre du bras pour en faire la zone la plus lumineuse et la plus contrastée du tableau. Puis je rehausse quelques clairs localement, affine le dessin.

Le temps passant, la matière plus visqueuse et plus adhérente permet d'ajouter facilement de la matière. Le blanc de titane-zinc moelleux et moyennement couvrant permet de gagner très progressivement en clarté.

 

 

Les chairs enfin peintes, j'étale une large surface ocre rouge que j'éclaircis dans le frais avec un jaune clair (ocre jaune, blanc) essentiellement autour du centre lumineux du tableau.

Puis je rends le fond plus vivant en posant des lumières rose clair (carmin + blanc) sur l'ocre rouge et terre de sienne brûlée de l'arrière plan et des sombres bleutés (gris de Payne, bleu de Prusse). Ces touches suivent la courbe du miroir pour donner un peu de rythme ou de mouvement.

Le reflet dans le miroir est obtenu au couteau avec les sombres bleutés et clairs jaunes orangés déjà utilisés.

 

L'ensemble étant dominé par des bruns rouges et le bas du tableau monotone, j'éclaircis avec un bleu gris (gris de Payne, bleu de Prusse, blanc) appliqué au couteau et qui vient mordre par bandes sur la surface rouge, je mets aussi du rouge sur le bleu du bas. Les touches horizontales peuvent suggérer une surface d'eau.

Enfin, je viens poser un reflet bleu clair (bleu de Prusse, blanc) sur le bleu sombre du bas et de l'ocre jaune verdie dans le coin supérieur droit pour rendre ces zones plus vivantes. La composition plus équilibrée et l'aspect brut étant à mon goût, je décide de m'arrêter là.